ABC de KF / MP - [Rennes - 27 février 2008 (4)] - [Arzon - 23 août 2008]



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27 février 2008 [4]



L’invitation : à participer. En répondre seul. Pour soit seul. En répondre. Face à la communauté des hommes en laquelle, et face à laquelle tu t’inscris.


La guichet, et l’espace derrière. La porte, au fond à droite. Un espace visible dans l’espace à l’intérieur duquel tu entres. Un espace par lequel tu passes. Le lieu de l’origine. Le lieu de passage en deçà duquel se tient l’origine. Ça commence là. Par ce passage, cette venue, suivie d’un long aller-retour entre l’arrivée de l’origine et le guichet. Désir de retour à l’origine. Désir de connaissance de l’origine. La porte, c’est l’origine : c’est le désir autre précédant le tien et entraînant ta venue. Le guichet, c’est la matrice. Le corps-matrice duquel il faudra te détacher. Entre la porte et la matrice : la nuit de la réalisation du désir, la nuit de la conception : ‘’Nous sommes venus d’une scène où nous n’étions pas’’. Quignard. L’espace entre la porte et le guichet, c’est aussi le lieu du présent. Le corps est attiré par le guichet comme élément du présent nécessaire pour te défaire de l’origine. Le corps aura la même nécessité de se défaire du guichet-matrice. Le corps ne cessera de se former les images d’un objet autre nécessaire au détachement de la matrice. L’objet autre est dans l’axe du regard, dans l’axe que ta main tendue pointe dans l’espace. L’objet autre dans la matrice (le pantin) est une fausse piste un temps cru comme étant la plus juste. Elle fut un temps la plus juste. Elle ne l’est plus. Le corps franchira le guichet. Franchir le guichet et passer dans l’espace devant : le temps du mouvement, de l’allant : dans le monde. La vie même, enfin.


Ça commence, avec les mots. Les mêmes mots. Quels mêmes ? Entendre ’’m’aime’’ à chaque même. Répéter les mots. Là, puis là, puis là. Dire quels mots ? Egrainer la liste des mots de l’abécédaire. Inscrire un point dans l’espace à chaque mot. Inscrire un point dans l’espace à chaque arrêt de ta marche dans l’espace. La marche des mots. Une lente marche partant de la marge en tapis noir côté cour et trouvant sa fin au centre du carré : Zimmer, Zentrum : ta chambre, ton centre, ton origine.


Si tu adresses les mots à la table ça fait quoi. Si tu adresses les mots à la perruque ça fait quoi. Si tu adresses les mots au mur ça fait quoi. Si tu adresses les mots à la feuille –blanche -, ça fait quoi. Si tu adresses les mots au stylo, ça fait quoi. Et si tu adresses les mots au micro. Si tu adresses les mots au micro : transmission de la voix. Corps dépossédé de la voix. Voix séparée du corps. Tu cherches : un objet pour transmettre. Transmettre : la voix. Transmettre : le corps. Transmettre : la vie. Par la parole. Par le son. Pulsation. Rythme. Par le corps.


Si tu dis. Les mots. Dans le mouvement. Si tu dis. Les mots. Dans l’essoufflement. Si tu dis. Les mots. Avec une perruque. Si tu dis. Les mots. Avec une jupe. Si tu dis. Les mots. Toujours les mêmes avec le même ton mais dans des circonstances différentes. Si tu dis. Les mots. Face public, enfin.


Tu amènes ton corps, là. Tel objet attire ton corps, là . Les feuilles devant le visage, je ne comprends pas pourquoi. Trouver le rapport à la feuille. La nécessité du rapport. Chercher les objets. Les découvrir. Les feuilles. Un rapport s’instaure par la découverte, puis se développe. Tu cherches l’objet. L’objet du désir, évidemment. Le comique, le tragique, le catastrophique, le burlesque : de chercher dans les objets de matière l’objet du désir. Ce transfert du désir à la matière.


Découvrir les objets, un à un : ah, tiens, eux aussi ils sont là. Nous partagerions donc le même espace, eux et moi. Vouloir les comprendre en les regardant. Vouloir les déchiffrer. Ne rien comprendre et, là / oh : sur cette feuille – blanche ? écrite ? qui a écrit ? - cette phrase - cette phrase je ne la lis pas : je la dis . Il y a des mots écrits sur les feuilles. Qui les a écrits. La première phrase répétée, répétée, répétée : répétée après avoir été lue, découverte là parmi les mots et les phrases écrits sur ces feuilles présentes là mais pourquoi sont-elles là ces feuilles. Qui a écrit les mots. Qui a mis les feuilles ici. Pas nécessairement la même personne. S’y sont-ils pris à deux. A combien s’y sont-ils pris pour mettre ici tout ce qu’il y a. Combien de corps leur a été nécessaire. Est-ce moi qui ai fait tout ça. Combien de corps il m’a fallu pour faire ça seule. N’aurai-je donc pas fait cela seule ? Comment sont-elles arrivées là ces feuilles, et moi comment je suis. Etre. Suivre. La phrase répétée, au commencement : c’est la phrase de base, d’origine, la première phrase. Puis une autre s’immisce. Puis d’autres. Mais la phrase d’origine (celle dite avant d’être) toujours est là, même si en fragments, même si de moins en moins. Elle ne disparaît jamais. Même si totalement bouleversée, même si tout à fait autre, toujours elle est là. Etre : bouleversé. Etre : autre. Devenir : autre. Donner : la vie.


Le rapport instauré avec les feuilles est tel que lorsqu’elles sont toutes devant le guichet, au sol, il y a nécessité d’aller dans cet espace, désormais, là où elles sont : c’est ainsi que le guichet se franchirait. Par le rapport instauré avec les feuilles et dans la nécessité de les rejoindre, même si une fois devant c’est le fait d’être dans l’espace devant qui prend toute l’importance et que les feuilles alors ne comptent plus. Nécessité de dire autre chose que la phrase d’origine répétée et répétée.


Faire un tout. Un tour du tout. Faire un petit. Un petit tout. Un petit monde. Un tout. A. Votre service. Un tour à tout. Un petit tour. Autour. De. Votre service. Un petit monde, bilingue, à votre tour.


Nécessité de changer de vêtement pour dire autre chose que la phrase d’origine. Nécessité de mettre de nouveaux vêtements. Nécessité de dire de nouvelles phrases. D’aller dans un nouvelle espace : devant le guichet. Petit tour du monde sur le guichet jusqu’à n’en plus pouvoir et enfin l’espace devant et enfin la danse qui se trouve dans le mouvement de sa seule nécessité.


Cette première phrase comme la première ET SEULE certitude à laquelle s’accrocher, d’abord. Avec laquelle tenir, d’abord. EN SORTIR. S’immiscent d’autres certitudes. Faire trembler la certitude première. C’est sur les feuilles que tu as lues pour la première fois cette phrase avec laquelle pendant longtemps tu vas tenir. Non, ça je le ferai plus tard. Tenir autrement. Lâcher. Lâcher la phrase. Comment la phrase première tu la lâches, comment elle disparaît, comment elle réapparaîtra. Même chose avec le pantin. Même chose avec le guichet. Même chose avec la porte ? La porte : naissance, mort. L’origine du monde. Courbet. Rien de nouveau sous le soleil. Sinon le choix des mouvements pour inventer son plaisir.


Quand la main touche. Quand la main veut déplacer. Quand la main veut de la place. Quand la main déplace le corps. Quand la main touche. Quand la main veut le corps. C’est quoi ces feuilles ? Faire. Un tour. Du monde. Autour. De. Tout autour. De. Moi. Tu aimerais faire un petit tour ? Autour du monde ? Autour de moi ?


Quand tu mets la jupe, là : et si tu étais à nouveau attiré (comme une dernière fois) vers le point d’origine (vers la porte). Tu fais un petit tour sur toi même, là, très légère, et le pouvoir de l’aimant de la porte t’attire alors que tu n ‘y pensais plus du tout, et il te faut retourner au micro, au pied du micro, y retourner. Puis devant le guichet, la danse enfin libre d’elle-même retraçant tout le parcours [et le texte ‘’tu-ça’’ ici], depuis la porte d’origine (porte d’entrée) jusqu’à maintenant, la danse par son mouvement présent : dans l’espace devant la guichet. Puis la dernière parole : les quatre questions : interrogeant le temps présent de chacun autant que le temps de l’origine : espace de la porte (les questions qui étaient alors déjà là et muettes alors ?). Porter, apporter le corps : derrière le guichet (temps 1, temps premier). Danser devant le guichet (dernier temps). On retrouverait des gestes communs à ces deux temps.


L’origine, la porte. Porter le corps. Attirance vers le guichet-aimant (corps-matrice en devenir). Espace entre la porte et le guichet. Espace derrière le guichet. Espace sur la guichet. Franchissement du guichet. Les objets. Les feuilles. Les vêtements. Les perruques. L’espace devant le guichet. L’espace dans le guichet. La danse enfin libre dans l’espace devant. Le mot ‘’danse’’ comme un féminin de ‘’dans’’. La danse : un féminin dedans. Les quatre questions muettes qui enfin s’énoncent. Tout revivre au présent du mouvement. Vivre le récit. Respirer, lâcher. Je tiens / ça tient.


Je suis un corps / j’ai un corps. C’est la question de chacun ET la question de la pratique de la danse. La réponse par la danse, l’outil de la danse : le corps. C’est quoi la question de chacun qui serait un équivalent à celle-ci en rapport au corps et qui serait celle spécifique de chaque pratique, de chaque discipline, de chaque langage, de chaque langue, de chaque vie, de chacun. La différence d’une langue à l’autre. Pour le dire. La réponse : la voie pour le dire. Pour le cinéma : la question du rapport image/son ? Et pour l’écriture avec les mots ? COMMENT JE TRADUIS CETTE QUESTION. COMMENT JE PARTAGE CETTE QUESTION. Etre. Possédé par un corps. Posséder un corps. Le mot ‘’clé’’ : désigne-t-il d’abord l’objet, ou d’abord l’idée ?


[23 août 2008]