[Guissény - 12 septembre 2008]




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12 septembre 2008


1. Quand midi sonne. Quand le chant de l’amour sonne à la porte. Quand la mémoire te revient. Quand la mémoire prend ta main. Quand la mémoire te prend par la main. Quand la mémoire prend le corps. Quand le corps. Prend la mémoire. Quand la main. Passe de la mémoire au corps. Quand le corps. Perd la mémoire. Quand le corps. Fait le lien par lequel la mémoire réouvre le corps au présent. Quand tu pointes le ciel. Quand. Ce n’est pas le ciel que tu pointes, mais le corps qui se dresse. Se redresse.


Quand tu reviens. Quand tu recommences. Quand tu prolonges le mouvement qui ne recommence pas, mais se prolonge. Quand : là comme un temps de pause. Quand : ce n’est pas un comptoir de bar, non, mais une falaise, et un précipice. Un précipice pour la plongée. Un précipice pour un précipité. Une révélation chimique. Le corps : comme le lieu de la révélation du temps.


Le son d’un objet que le corps cogne et anime. Le son de la machine. Le son de la machine que le corps commande. Deux espaces derrière le comptoir. Deux points : l’un vers l’objet et le son de l’objet (une cloche), l’autre vers la machine (un ordinateur). Le dialogue par le déplacement du corps de l’un à l’autre : le dialogue de l’objet et de la machine, par le corps. L’espace que déploie le corps : entre l’objet et la machine : l’espace du corps. L’espace du corps derrière le comptoir. Et le corps qui vient voir devant. Devant le comptoir. Le corps qui se dresse, se soulève, et pointe dans l’espace et dessine les tracés des possibles directions où aller. Le corps qui se découvre un plaisir dans le mouvement sans plus le soucis d’indiquer telle ou telle direction : et qui alors : y va. Ce temps où il y va : le temps du précipité.


Passer par dessus le corps de l’autre (le pantin) pour aller. Pour pouvoir aller. Le corps de l’autre qui apparaît de derrière le comptoir. Ton propre corps autre qui apparaît de derrière le comptoir. Les mêmes gestes : avec l’autre. Sur l’autre. Sur le corps de l’autre. Découper l’espace. Découper le corps. Les mêmes gestes : avec ton corps autre. Parler au corps invisible derrière le comptoir. Un corps invisible. Un corps visible. Un son d’ici. Un son de là-bas.


La disparition du corps de l’autre. L’espace vide après la disparition. Le temps d’attente dans le vide : quoi va apparaître. Le surgissement que constitue ce qui arrive de derrière : après le vide.


Un tour. Une poutre. Un tour autour de la poutre.



On recommence. Coup de cloche. Musique. Retour à la cloche. Suspension du mouvement du corps. Prendre le temps de. Penser. Repenser au geste ou à quoi, avant le geste : et faire le geste : coup de cloche. Et la danse. Derrière. Les bras avec mains tendues qui tracent, pointent, désignent : et c’est cela seul alors qui devient la danse.


Prendre cet objet, ce corps-objet (le pantin) qui gêne là derrière, et te le mettre là sur le comptoir une bonne fois pour toutes sous les yeux. A vue. Et avec lui et par dessus lui refaire les gestes. Et quand c’est fait avec lui, quand tu as fait ça avec lui, maintenant tu peux le faire pour toi et désormais sans plus lui qui gêne derrière. Tu le remets derrière, il ne gêne plus. Tu vas avec lui derrière, et quand tu le remets derrière, vous disparaissez ensemble, et quand tu reviens : tu es autre. Tu n’es pas encore tout à fait toi. Mais tu n’es plus avec l’autre. Tu es autre. Continuer. Reprendre. Recommencer. Rester = continuer d’être (définition 1, petit Robert). Continuer. Jusqu’à gravir la montagne / grimper sur le comptoir. Et là haut : quitter la perruque. Là-haut, tu deviens toi. Là-haut : précipité vers toi : vers devant : vers / avec nous. Vers / avec les autres.


La parole qui arrive sur PJ Harvey : oui.


Allongée sur le comptoir, prenant place à la place de l’autre, à la place que tu fis prendre à l’autre, tu redis : ‘’à votre service’’ : une dernière fois. C’est la dernière fois que tu dis ‘’à votre service’’. Tu prends cette décision là, à ce moment, et tu te redresses, et tu es assise sur le comptoir, et tu enlèves cette perruque : voilà, là, ça y est, c’est maintenant : tu es toi.


2. Laisser aux mouvements le temps de venir. Etre dehors. Faire entrer. Etre seul dedans. Entendre les mots de Berlin. Tu entres. Tu accueilles. Tu fabriques. Tu visites. Tu parles. Tu récapitules. Tu restes sur l’idée. Tu diriges. Tu penses. Tu découvres le lieu. Tu fermes la porte. Tu passes ta vie ici. Tu fais attention à ta tête. Tu te remémores. Tu présentes. Tu te présentes. Tu te nommes. Tu accompagnes. Tu axes. Tu parles de l’absent. Tu fais sans lui. Tu expliques. Tu remues la tête au son de la musique. Tu rends hommage aux alliés. Tu dis bonjour. Tu fais signe. Tu viens. Tu éteins. Tu supposes. Tu sonnes. Tu prends ta place. Tu t’installes. Tu reconnais un visage connu. Tu commences.


Tu traces. Tranquille. L’espace connu se reparcourt. Au sol. Dans les airs. Corps courbé de sol à ciel. La fenêtre est ouverte, tu danses : dans le son des moteurs, aussi. Avec le son de l’absent. Tu danses. Au rythme du son de l’absent, aussi. Le pantin n’active pas ton corps comme le son de l’absent l’active. L’absent est avec nous. Le pantin n’est pas un corps. Le pantin n’a pas un corps. L’absent en a un. Et tu reconnais la position des mains qui disent avec toi : ‘’tranquille, mon corps affirme sa présence’’. D’une parole à un geste, tu poursuis l’affirmation d’une présence. Tu repasses par les positions du corps qu’il t’a fallu connaître avant d’affirmer. Dans le silence et par la seule présence du corps, tu affirmes. Par la parole. Par la présence du corps. Par les gestes qui de l’un à l’autre tissent lien entre parole et corps, tu affirmes.


Tu reprends. Une joie.


3. Selon que l’espace est vaste autour, sans limite, sans murs, sans toit, ou clos par les pierres et la toiture de la maison, le souffle du corps et le souffle du son de la musique forment une phrase qui s’écrit : là sans mot et dans l’espace, et là : sur le mur : troisième corps. Une marche : avec un corps. Une marche : avec deux corps. Une marche : avec trois corps. Une maison : avec quatre murs et le toit. Selon que l’espace est avec un toit posé sur quatre murs ou une vaste étendue sans limite : le regard par lequel se dresse le corps / … / souffle ouvert.