[Guissény - 13 septembre 2008]



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13 septembre 2008



Première lettre. A. Premier jour. Un. Troisième jour. Laisser tomber les chiffres. Faire apparaître, lettre à lettre, et par le corps : le temps. Un récit. En éclats. Faire apparaître un corps. Lettre à lettre. Par le temps. Montrer l’absence d’un visage. Montrer l’apparition d’un visage. Monter en puissance dans l’affirmation. Ce n’est pas ouvert. Mais j’entre. Tu es une autre. Tu es la même. L’émotion confirme la justesse du rapport qu’entretient le corps avec le temps.


1. Tu dis bonjour. La bienvenue est le premier temps. Tu es déjà venu ici. Es-tu déjà venu ici. La première fois que je suis venu ici, c’était / phrase interrompue. Ce que tu as fait ici. Ce que tu as fait ailleurs. Ce que tu fais ici. Aujourd’hui. Les espaces que tu franchis. Que tu as franchis. La parole qui dit. Le corps qui entre. Le corps qui parcourt. Quand tu parles, est-ce que tu regardes. A qui tu parles. Quand tu prends ce chemin, tu regardes quoi du chemin déjà parcouru. Tu regardes derrière ou devant quand tu prends ce chemin. Et, maintenant, regarde derrière, vite, vite. Non : devant. Toujours devant. Un écran n’est pas un corps. Un corps a besoin, un corps cherche : des espaces entre les corps pour être. Le corps. Invente son espace entre les corps : entre les autres corps. Le corps : invente son espace : au contact d’un autre corps. Bonjour. Parce que je ne peux pas tout retenir, je note. Parce que la mémoire de mon corps n’a pas de mot pour dire, mon corps cherche une langue où muettement la parole est un corps. Parce qu’une place toujours se libère pour l’espace où tu veux être. Parce que je ne suis pas prêt d’arrêter dès l’instant que j’ai commencé. Parce que tu sais de quoi je parle. Parce que ce que tu lis résonne entre toi et moi. Parce que : mon père est d’ici. Par amour, du lieu, et de mes proches qui y vivent. A chacun qui prendra la parole, une parole lui viendra : là où tu ne l’attends pas : oh / plaisir. A chaque corps qui avance : un corps qui ne l’attend pas. Le corps qui n’attend pas est le nom de l’autre corps. Le corps qui n’attend pas est le nom du corps de l’autre. L’autre : est le vrai nom du corps.


Parce que : c’est derrière le comptoir. Maintenant. Et que tu pointes ici dans l’espace ce qui fut. Ce qui est encore. Parce que. Tu poses le temps présent. Tu salues l’absent. Parce que l’absent toujours est présent. Tu travailles : la présence. Et les absents : trouvent une vie dans ton corps, aussi. Le son : est le son de l’absent. Le corps, seul, est présent. Le corps, maintenant, est devant. Dans l’espace que tu pointes. Dans l’espace que tu habites. Comment es-tu arrivé ici ? Tu nous racontes. Le corps : fait le récit. Il pointe dans l’espace le présent autant que la mémoire du proche, du loin. Un corps surgit. Un corps trace un chemin. Un corps passe par dessus un corps. Tu traces un chemin. Et maintenant, tu traces ton chemin. Le tien. Maintenant : tu parles dans ta propre langue.


2. Tu te remets en route. Tu reviens. Tu rentres. Tu es d’ici. Tu présentes. Tu te présentes. Tu pointes dans l’espace les différents points où les traces sont visibles. Tu circules. Tu reconnais. Tu es déjà venu ici. Pas moi. Tu n’es jamais venu ici. C’est la première fois que tu viens ici. C’est aujourd’hui la première fois. C’est la première fois aujourd’hui que nous sommes là tous ensemble. C’est la première fois que cet ensemble existe : c’est nous la première fois de cet ensemble. Quoi te ferait quitter cet ensemble. Quoi ferait que cet ensemble nous le faisions autre : autrement : ailleurs. Non. Maintenant. Là. C’est nous le maintenant. Nous écrivons cet ensemble, maintenant. Un corps + un corps + un corps = une phrase où chaque geste modifie le geste à peine esquissé, à peine commencé. Nous : sommes le récit du commencement.


Et tu. Commences à nouveau. Tu t’assois. Tu n’attends rien en particulier. Tu es là. Quelque soit le geste que tu fais, le geste est juste. Il n’y a pas une place meilleure qu’une autre pour voir mieux. Tu vois : où que tu sois. Tu ne vois pas ce que je vois / quelle joie.


Et tu commences à nouveau. Tu commences par la parole ou tu commences par le corps ? Tu commences. Tu commences avec la première lettre. A. Du dis Arbeit. Arbeit = Travail. Tu parles dans ta première langue. Première lettre. Première langue. Langue maternelle. Natale. Une langue étrangère. Un corps, pour combien de langues. Un espace, pour combien de corps. Est-ce que nous sommes nombreux, à l’intérieur du corps. Tu réponds. Tu montres l’espace : au dehors. Tu pointes l’espace, à l’intérieur du corps. Tu dis : le corps est un lieu de mémoire où d’autres corps apparaissent. Tu dis : quand un autre corps apparaît, tu fais avec lui. Tu fais avec l’autre. Tu fais avec l’autre un autre temps. Tu fais avec l’autre : le temps. Tu fais : un temps avec. Tu fais le temps. Quelque soit le corps qui t’accompagne. Quel que soit le visage que tu montres. Tu fais le temps. Tu parles. Tu nous parles. Qu’est-ce que tu entends ?


3. Encore ? Encore. Encore une fois. Une fois par an. Trois fois par jour. Encore. Encore l’espace se vide, encore il se remplit. Encore tu viens. Encore tu parles, doucement, dans l’espace. Tu murmures : au creux de l’oreille d’une ou d’un autre : à l’autre bout de l’espace. Tu lis les mots : d’une ou d’un autre : ici. Tu montres l’espace d’aujourd’hui. Tu montres la différence entre l’espace d’hier et l’espace d’aujourd’hui. Le vide de l’espace devant est le nom d’aujourd’hui. Le vide de l’espace derrière est le nom de l’enfui, et ton corps est ce lien qui de l’un à l’autre poursuit la phrase un jour laissée inachevée.


Tu. Ne poursuis pas. Tu. Ne reprends pas. Tu. Continues.


Chaque geste est à neuf. Chaque geste redit les fois anciennes et chaque corps qui regarde le geste fait ta présence autre. Là-bas, c’est Brendaouez. Ici, c’est le comptoir. Là-haut, c’est le ciel. Et lui. Et lui c’est qui ? Lui ? Lui c’est le corps obstacle pour les directions à venir. Salut à toi, l’obstacle. Et regarde bien. Tu es prêt ? Tu me vois ? Un. Deux. Trois. Tu me reconnais ? C’est moi. Tu reconnais mes gestes ? Et toi ? Tu es pareil ? Le même ? La même ? Un peu changée ? Ta place ? Tu fais quoi : en lieu et place de l’obstacle ? Moi ? Oui, toi. Je. Oui. Je.


Voici. Voilà. Là : c’est moi.