ABC de KF / MP - [Berlin, 10 mars - 19 mars 2008 (1) ] - [Rennes, 16 octobre 2008]



10 mars 2008 – 19 mars 2008 [1]





Désigner. Nommer. Décrire l’espace. Désigner. Nommer. Ecrire l’espace. Ecrire : le récit de sa vie. prendre en main le récit de sa vie. Etre responsable du récit de l’histoire. du récit de l’Histoire.

Quand tu entres dans la pièce, les mots ‘’tour’’, ‘’tout’’, ‘’chambre’’, la phrase ‘’un tour autour du monde, la phrase ‘’un tour autour de moi’’, tous les mots d’un texte à venir et qui dira les chambres, tous les mots d’un texte à venir qui dira la chambre : tout est déjà là.

Autour de toi : le monde. La chambre : là-bas, celle où tu as dormi cette nuit. la chambre, là-bas : celle de laquelle tu viens.

Tu entres dans cette pièce. Tu as des feuilles en main. Sur chaque feuille tu écris les mots de l’espace qu’ici tu décris. Tu colles les feuilles à même l’espace que désignent les mots qui y sont écrits. Il y a des feuilles : sur lesquels tu écris. Il y a des feuilles, pages vierges, que tu te plaques devant le visage. Il y a des feuilles derrière lesquelles tu te caches. Il y a : ce que tu lis, et qui est déjà écrit : sur les feuilles. Il y a : ce que tu lis tandis que tu l’écris. Il y a : ce que tu dis sans l’écrire. Assistante. Bilingue. A votre service.

C’est la langue. C’est parler. C’est traduire. C’est traduire par la langue. C’est traduire par le corps. C’est travailler un aller-retour. C’est travailler un aller simple. C’est un aller-retour entre la langue et le corps.

Si je prends du recul, est-ce que je franchis plus facilement l’obstacle. Des phrases qui nomment. Des phrases qui désignent. Des phrases qui questionnent. KF questionne KF. KF questionne le public. KF qui met une perruque et qui demande : et là, c’est qui.

Combien de langue me faudra-t-il parler. Combien de corps me faudra-t-il laisser. Combien de corps me faudra-t-il pour faire. Pour faire le tour. Le tour du monde. Pour faire le tour. Le tour de moi. Pour faire un tour. Un petit tour. Avec moi. Avec toi. Aujourd’hui. Faire un tour. Juste un. Juste un petit. Un petit tour. Autour de toi. Autour de moi. Faire un petit. Tour. Je voudrais faire. Voudrais faire là. Voudrais faire la. Lumière. Voudrais faire le. Voudrais faire mon. Là faire monde. Voudrais faire le. Faire un petit. Je voudrais faire. Un petit tour. Et sans lumière. Un petit tour. Du monde. Au. Tour de moi. Je voudrais. Faire un tout. Un tour du tout. Faire un petit. Un petit tout. Un petit monde. Petit, à petit. Tout. Votre service. Un tour. Un petit. Tour autour. De votre. Service. Un petit monde. Bilingue. A votre tour. Là faire un tour. Du monde. Autour de tout. Faire un petit. Tour. Faire le monde. Tout autour. Je voudrais. Tu aimerais. Faire un tour. Un petit tour. Autour du monde. Tu aimerais. Faire un tour. Tu aimerais. Faire le monde. Tu aimerais. Faire participer. Le monde. Le monde. Le monde. Les chambres. Seule au monde. Tu aimerais. Dire tout. Les je suis. Dire toutes les chambres. Les je suis seule au monde. Les je suis, au monde, seule, tout un monde. Je suis : une chambre. Une chambre forte. Je suis : le monde des chambres. Je suis la chambre des mondes. Je suis la chambre des trajets, la chambre des départs, la chambre des prochains, la chambre des rencontres, la chambre des centres, la chambre des pas, la chambre des danses, la chambre des marches, le chambre des notes, la chambre des gares, la chambre des routes, la chambre des, comment, la chambre des lieux, où, la chambre des travaux, la chambre traversée, la chambre des venues, la chambre des liens, la chambre des enfants, la chambre où des demains, la chambre d’aujourd’hui, la chambre des vouloirs, les chambres de la fête, la chambre dé, la chambre défaite, la chambre des quoi, la chambre des vues, la chambre tenue, la chambre des amants, la chambre des avants, la chambre des élans, la chambre des soleils, la chambre des moi, la chambre des toi, la chambre des faces. La chambre qui tient, face. A toi. La chambre qui tient. Dans. Le monde.

Mon corps. Et tout ce que je suis. Ailleurs. Ici.

Un mot ; qui traverserait le corps. L’énergie dans le corps. Le flux de l’énergie. Le flux de l’énergie d’un mot. Son trajet dans le corps.

Là. Ça tient.

Comment es-tu arrivé ici. Pourquoi y restes-tu. Quoi t’en ferait partir. Et maintenant, tu fais quoi.

Comment es-tu arrivé ici. Les banques d’enregistrement à l’aéroport. Le déshabillage. Enlève ta ceinture. Enlève ton manteau. Enlève tes bottes. Les bras nus de la jeune princesse. Les pieds nus de la jeune princesse. Les chaussons pour ne pas salir les pieds blancs de la jeune princesse. L’europe. La seule chose commune : la monnaie. Une certaine europe. Certains pays d’une certaine europe. Une certaine Europe. Berlin. Une certaine histoire du monde. La présence d’une histoire. De l’Histoire. D’une certaine histoire du monde. Occidentale. Et les Incas et l’Afrique et l’Asie. La taille des massacres. Des génocides. Le mémorial et les stèles muettes, et les noms dessous. L’anonymat des morts. Danser dans les aéroports. Danser sur des cadavres. Sur 6 millions de cadavres. Une piste d’atterrissage et dessous les cadavres de l’histoire. Bonne nuit. Bon voyage. Autour du monde. Si j’écris : est-ce que tu écris. Si j’écris : tu écris. Si tu écris : est-ce que j’attends que tu lises ou est-ce que je commence à écrire de mon côté. Deux récits qui se rejoignent. Deux corps qui se croisent. Un état qui se réunifie. Si je t’écris, est-ce que tu attends de me lire si tu sais que je t’écris. comment est-ce que tu saurais que je t’écris. Aujourd’hui : je cesse d’écrire l’attente. Aujourd’hui je mets à distance de moi l’homme qui attend. Aujourd’hui je suis l’homme qui écrit. Aujourd’hui je suis dans l’attente, très concrète, de l’arrivée d’un avion, du départ d’un avion. Dans les aéroports : les corps qui attendent. Devant les cimetières : les corps qui attendent. Au porte des musées, qui attend ? Ici, dans l’aéroport, regarder les corps : ceux qui lisent, ceux derrière les ordinateurs, ceux derrière les jeux vidéo, ceux qui mangent, ceux qui ne font rien qui ne font pas rien que font-ils, tous ceux qui sont là, et moi qui les regardent et qui prend des notes et cette femme assise à ma droite qui prend des notes, en même temps : ces deux là qui se mettent à écrire, en même temps. Ils sortent, elle son carnet, lui son cahier, ils attendent le même avion, ils se mettent à écrire en même temps, elle à côté de lui, une place vide entre elle et lui. Et le souvenir des deux allemands dans le bus, à Paris. Les chercher des yeux ici. Ils ne sont pas. Parmi. Les voyageurs du vol qui sera le tien. Couper le téléphone pour traverser les frontières. Regarder les gestes du stewart. Les gestes qui sauvent. Traverser la frontière sans machine et en silence. Il s’en va. Il va revenir. Quand il reviendra, il aura un langage non pour sauver le monde [ce qu’il avait d’abord pensé être en devoir de faire] mais pour nommer ce qu’il comprend de ce qu’il vit et voit au jour le jour. Il pense : marcher sur les traces de ce qui n’est plus, et voir aujourd’hui. Personne ne regarde les gestes qui sauvent et que montre le steward dans l’allée centrale de l’avion. Le steward regarde dans le vide, devant lui, il fait les gestes, personne ne le regarde. L’avion décolle. Le vol de l’avion. L’avion se pose. Tu attends un bus. Le bus t’amène dans le centre d’une ville que tu ne connais pas. Berlin. Tu as rendez-vous au pied de la tour de la télévision. Alexanderplatz. Ancienne partie-est avant la réunification. Présence de l’histoire. Le communisme. La trahison. La séparation. L’extermination. La vie plus forte que. Malgré l’horreur. Aujourd’hui. Le mot ‘’aujourd’hui’’. Alexanderplatz, Berlin. Le roman de Döblin. Le film de Fassbinder. Le cinématographe. Nantes. Revoir tout. Marcher. Rejoindre Katja en terrasse. Se retrouver au pied de la tour. Jour un. Jour deux. Le lendemain. Un plan pour aller au studio. Pour s’y retrouver. Quelques mots griffonnés dans le cahier. Une rue, un gardien, une expo, une porte vitrée, un ascenseur, un troisième étage, tourner à droite, là : deux portes, c’est le studio. Une adresse. Klosterstasse 68. Une année de naissance. LA DIFFERENCE ENTRE L’IMAGE QUE JE ME SUIS FAITE ET LE LIEU RÉEL.

LE TOUR DU MONDE. LE TOUR DES CHAMBRES. Comment la parole se fraye un chemin. Comment la parole se fraye un chemin dans le corps. Comment le texte trace un chemin dans les matières du corps. Les membres. Les parties. Les matières. Les fibres. Les humeurs. Les liquides. Les peaux. Les molécules. Un mot se fraye un chemin dans le corps. Les chambres des mots. Chambre d’écho. Chambre des corps. Chambre des morts. Un mort se fraye un chemin. Dans mon corps. Un mot dans mon corps : écho : vie encore. Balayer l’espace de mon corps. Que ça parle de la matière. De la matière chair. Que ce ne soit pas forcément une épopée. Quatre-cinq lignes, peut-être, c’est tout. Tout dire en quatre-cinq lignes. Est-ce que c’est peu. L’énergie, matérielle, qui traverse le corps. Qui se balade dans le corps. Un mot. Qui se balade dans le corps. Une balade, dans la ville. Une marche, dans ton corps. Une course, dans ton corps. Un écho dans ton corps à la marche de ta vie, dans le monde. Un mot. L’énergie. L’énergie d’un mot. Vie. Energie de vie qui se trace un chemin, dans ton corps. Energie de corps, qui se trace un chemin, par la vie, dans le monde. L’énergie d’un mot. Essayer de s’approcher autrement. [9h24, 11 mars 2008]. [13h35, 10 mars 2008]. La pluie à Nantes, 10 mars 2008, il fait nuit encore, cinq heures du matin. Marcher jusqu’à la gare dans la nuit et sous la pluie, à l’abri sous le poncho acheté pour la marche de l’été dernier. Le poncho à Berlin le soir, étalé en carré au sol dans la pièce où je vais dormir, pour qu’il sèche. La protubérance de la tête. De la capuche du poncho. Protubérance, est-ce le bon mot. Un mot. dans ton corps. Le mot juste. Le corps juste. Adéquat. A ton désir. La tête, détachée du corps. Le corps. Le carré. Le sol. La tête. Podewill. U-Bahn Klosterstasse. Klosterstasse 68. [11 mars 2008, 14h36]. Hier, 10 mars 2008, le réveil à trois heures. Le message qui arrive à minuit. Tu m’ouvres ton lit. Cette nuit. 00h12. 03h08. Je t’ouvre mon lit, pour trois heures. Tu attendras dix jours encore, le retour de Berlin. Tu ne viens pas. Tu ne viendras. Nous ne viendrons pas. Berlin, aujourd’hui. 11 mars 2008, 16h11. Katja dans le studio. Moi, trois heures de vélo dans Berlin. Le mur. Ce qui n’est plus. Ce qui continue d’être. Ce qui n’a pas eu lieu. Ce qui a eu lieu. Les lieux de l’histoire. Alexanderplatz. Karl Marx Allee. Boire un café, au Podewill. Relire les notes écrites lors de la séance de travail à Rennes, le 27 février. Hier, le réveil, le téléphone qui sonne, 3h08, le message. Faire les affaires. La pluie dehors. Le vent. Le poncho. Le plier ce matin après qu’il a séché, étalé en carré au sol, dans le salon-bureau de chez Isabelle et Bruno, ici, à Berlin, Buttmanstrasse 19. Ecrire le chiffre 19. Les pensées secrètes. Les êtres chers à qui l’on pense. Les images mentales. La réalité des corps. Ingrid Bergman dans Voyage en Italie : elle voit des femmes enceintes partout dans les rues quand elle marche dans les rues de la ville. Berlin. L’immensité de la ville. Le plaisir de l’immensité d’une ville inconnue. Inscrire sa vie dans l’immensité inconnue. Hier, matin, marcher dans la nuit sous la pluie dans le vent. Marcher jusqu’à la gare. La très grande fatigue. Avoir dormi trois heures. Interruption. 11 mars 2008, 16h21. Arrivée de Katja, dans le bar. Podewill. Berlin.

METTRE DES PANNEAUX POUR QUE LES GENS S’Y RETROUVENT. Pourquoi écrire. Pourquoi il y certaines choses que tu écris. Et d’autres que tu lis. C’est quoi ce que tu écris. c’est quoi ce que tu lis. Il y a des mots que tu dis, et qui ne sont pas écrits. C’est quoi ces mots. Il y a des mots déjà écrits et que tu lis. Il y a les mots que tu écris et que tu lis après qu’on t’a vu les écrire. Il y a les mots que tu écris et que tu lis pendant qu’on te voit les écrire. Est-ce toi qui as écrit les mots que l’on ne te voit pas écrire et que tu lis. Qui a écrit les mots que tu écris. Qui a écrit les mots que tu lis. Il y a les mots que tu lis. Il y a les mots que tu dis. Il y a lire. Il y a lier. Il y a lit. Les lits. Les chambres. La chambre. Il y a relier. Relire. Il y a les mots que tu dis sans les écrire. Et la pensée qui surgit au présent du temps ici exposé. Un petit tour. Un petit retour. Un petit tour : dans un mot illisible. Pourquoi ‘’petit’’. Une chambre. La chambre. Les chambres. Une perruque. Mettre la perruque. Quitter la perruque. Se [re]glisser dans l’identité de la danseuse. Identité deux. Identité une. Etre déstructuré : derrière la table. Ma vie en fragments. Combien de corps me faudra-t-il. Nécessité d’autant de corps que de fragments. Nécessité d’un seul corps. Devant la table. Les fragments trouvent leur continuité, leur unité, leur union, leur ré-union : dans l’unité, par l’unité du corps. Combien de corps : un corps, un seul corps. Entré par la porte. Entré dans le monde. Une table : est là. Il y a une chaise. Il y a une jupe et une perruque suspendue accrochée au pied du micro - au bras du micro. Marcher : bras dessus bras dessous. Est-ce que ça ressemble à un studio d’enregistrement ici ? Il y a deux perruques. Pourquoi une seule est-elle désignée. Voit-on les deux perruques, au début. Tu viens là pour quoi. Pour jouer avec les objets. Les objets. Du désir. Les feuilles : tu les as à la main quand tu arrives. Les feuilles sont des objets avec lesquelles tu arrives. Et le stylo, il est dans quelle poche. Tu l’as acheté où. Est-ce que tu t’en souviens. Ou bien alors tu l’as trouvé. Ou bien alors on te l’a offert. Moi, mon stylo il vient de chez Muji, 15 euros, rue des Francs-Bourgeois, Paris, 2004 ou 2005. Pensées vers deux absentes. Est-ce que chaque lettre serait associée à une personne. Associée à ce que convoque le souvenir de cette personne. Est-ce que c’est l’assistante bilingue qui arrive. C’est qui, qui s’en va fumer sa cigarette. ELLE s’en va fumer sa cigarette. ELLE revient. Ah, il y a du monde. ELLE va faire ce pour quoi ils sont venus. Comment sait-elle ce pour quoi ils sont venus. Pourquoi sont-ils venus. Comment. Pourquoi sont-ils. Qu’attendent-ils. Pourquoi sont-ils ici. Comment tiennent-ils. Eux. Ici. Comment je tiens. Moi. Debout. Ils sont assis. Eux. Est-ce que je les regarde. Ils me regardent. Tu me regardes. Je te regarde. Assis. Debout. Je me dois de trouver le mouvement sans ordre à ton regard. Ordre. Répondre à un ordre. Annuler le grand désordre. Et l’intrépidité de Nietzsche serait alors, essentiellement, une intrépidité enfantine, dit Dagerman. Elle ne serait pas faite, sans doute, pour qu’on soit à jamais un enfant, mais elle serait peut-être faite pour que l’enfance puisse continuer de juger ce qu’on devient, en la trahissant. Surya. Comment je tiens debout. Quoi me ferait partir. Quoi me fait rester. Je fais quoi là maintenant. Je leur fais quoi là maintenant. Je me fais quoi là maintenant. Je vais me faire plaisir. A partir. De maintenant. Je me fais. Plaisir. Je me fais. Et c’est un plaisir que de me faire.

La terre séchée collée à mes chaussures. La lumière qui éclaire le studio. L’ascenseur pour accéder au studio. Mille fils synthétiques pour faire une perruque. One thousand synthetic yarns. One thousand synthetic sons. One thousand synthetic suns. The lignt. You are my lignt, my son. Ramification des fils du récit tissant mon corps. Le sol. La table. La chaise. No use to regarder la chaise quand tu en parles. Quand tu regardes la chaise, elle existe. Quand tu parles de la chaise, elle existe. No use to la faire exister deux fois. No use to regarder la lumière quand elle vient. Est-ce bien sûr. No use to regarder : si l’on sait ce que l’on va voir. Pas besoin de faire : si l’on sait ce qu’on va faire. Assistante, bilingue, à votre service. Que ne lis-tu tout, ou seulement certaines phrases : dans les deux langues, avant de lire-dire ‘’assistante bilingue à votre service’’. Lire-dire ‘’assistante bilingue à votre service’’ nomme ce que tu es déjà. Dès que c’est lu-dit, est-ce que c’est entendu et su, maintenant, alors que c’était ignoré avant ? Français-allemand, allemand-français, aller-retour. Quand tu mets les feuilles devant ton visage, c’est comme : c’est écho à la désignation de tel ou tel fragment du monde écrit sur les feuilles, mais là : les feuilles restent blanches.

La lumière, la perruque, le sol, la table, la chaise. Et là, c’est qui ? demande le corps sous la perruque rousse. Les mille fils de la perruque. La description des mille particules du corps. Mille molécules. Mille mondes. Mille plateaux. Pas lu. Vous avez lu ? Etre à la hauteur de. Ne pas faire le malin. Pas de commentaire. Ne pas faire de commentaire. Faire. Agir. Ne pas commenter. Ne rien taire. Agir. Interagir. Une phrase : comment je t’ai jeté ce corps par dessus terre. Par dessus mille mondes. Mille corps qu’il m’a fallu jeter avant de sentir enfin le mien. Et si j’essaye de me vêtir de ce que je nomme, ça fait quoi. J’essaye la perruque, j’essaye la jupe. Mais ça fait quoi si j’essaye le sol, ça fait quoi si j’essaye la lumière, ça fait quoi si j’essaye les fils synthétiques. Ça fait quoi si je me travestis en homme. Faire : avec son corps. Et rien d’autre. Faire : avec son homme. Ça fait quoi si je me travestis en femme. C’est : par le visage que ça passe. Pas par les poils ni par les couilles ni par les seins. Non. Par le visage.

Trouver. Une phrase. Pour désigner la tour. Alexanderplatz. Pour dire sa hauteur, par exemple.

Les cadres. Les ordres. VOUS ME LE RECOPIEREZ CENT FOIS.

Peut-être : pas de traduction à voix audible à chaque fois. Est-ce que en toi tu traduis à chaque mot. Ça donne quoi dans le corps si à chaque mot que tu dis en une langue tu te le traduis, dans le corps, dans l’autre langue. Traduire. Passage dedans-dehors. Je traduis à chaque seconde de ma vie le dedans et je montre et je dis et j’ignore une fois dehors ce que tu entends et vois : toi qui le te le retraduit pour te le faire entrer dedans. ET DANS LES DEUX SENS.

Séparer.

L’ascenseur = le lieu du temps immédiat juste avant l’entrée dans la pièce. Séparer. L’ascenseur et la feuille. What does it mean. Je l’ai écrit. A Berlin. Il y a quinze jours. Je le retranscris aujourd’hui. A Nantes. Je le relie aujourd’hui à Rennes. 16 octobre. 2008. Voyage dans le temps. Ce que j’ai voulu dire, alors. Ce que j’ai su, alors. Ce que j’ai vu et senti et su et voulu dire. Et aujourd’hui. Quand tu ne peux pas traduire, tu fais quoi à la place. Tu inventes. Tu effaces. Tu tais. Il y a des trous dans l’histoire. Dans le corps aussi il y a des trous. Il y a les trous qui accueillent. Les trous qui expulsent. Le politique d’un corps. Un corps politique. Stop. Est-ce que traduire c’est reconnaître. Stop.



[16 octobre 2008]