ABC de KF / MP - [Rennes, 11 avril 2008] - [Nantes, 29 octobre 2008]



11 avril 2008



Rennes. Le Triangle. Le positionnement de deux corps. L’un, par rapport à l’autre. L’axe dessiné entre les deux corps : création d’une frontalité. Un point, un segment, un point. Le segment : un pont entre deux points. Deux points qui se font face. Deux corps qui se font face. Etre face à l’axe que tracent ces deux corps qui se font face. Frontalité. Etre face à un corps. Le public est face à quoi. Face à qui. Face à l’axe KF-SK(dj), ou face à KF, et SK(dj) dans le dos du public, ou encore ailleurs. SK n’est pas seul quant à son expression, il a deux relais deux autres points dans l’espace : les deux enceintes. KF, SK, les deux enceintes : quatre points : peuvent dessiner une ligne (face à laquelle le public se tiendrait), peuvent dessiner une forme (à l’intérieur de laquelle le public se tiendrait). Etre entre (entre deux, ou quatre points). Etre face (face à deux, ou quatre points). Proposer un espace où entrer. Proposer un espace à affronter, à regarder, se mettre face à. Créer. Un espace. Créer. Un axe de regard. Le centre : est-ce que c’est ce qui est donné à voir : un point central qui attirerait les regards. Le centre est-il le point depuis lequel on regarde : un espace central depuis lequel on est invité à regarder. Etre face au guichet : frontalité 1. Les platines face au guichet : frontalité 2. Axe KF-SK : frontalité 3. Axe son (enceinte-enceinte) : frontalité 4. Etre le troisième point : création d’un triangle. Le Triangle. Danser au Triangle. Au cœur du triangle. Danser où, dans le triangle. Sur un segment du triangle. Le long des trois segments. A chaque sommet. Trois points. Etre le troisième point. Etre le sommet, il y a trois sommet. Etre le point en mouvement. Le point absent. Le point non-fixe qui redéfinit la forme du triangle à chaque pas de son déplacement. Etre à la place d’une ou d’un autre. Le regard qui rassure. Le regard qui cherche. Le regard qui fixe. Le passage de ceux qui sont là pour tout autre chose que la danse : dans le même espace. Espace en partage. Ceux qui traversent l’espace. L’espace commun : espace de travail, espace de passage : le même espace : ne pas y faire la même chose, ne pas y être pour les mêmes raisons : la rencontre a lieu non par la similarité des raisons de nos présences, ici, mais seulement en raison du lieu, et de ce temps, là, maintenant : nous sommes ici présents dans ce même espace, à cet instant précis. Le croisement des trajectoires. Travailler. Passer. S’arrêter ou pas. Espace commun. Espace double. Ceux qui vont à la bibliothèque. Ceux qui viennent voir un autre spectacle. Ceux qui veulent des renseignements. Avoir une fonction en accord avec le lieu où l’on est. Avoir une fonction en accord avec lieu où l’on naît. Etre en désaccord. Les téléphones qui sonnent. Les téléphones réels. Les téléphones de fiction. Ceux qui travaillent, et ceux qui travaillent. Si tu es là tu es là pour là où tu es.

Les perruques à bout de bras : le corps absent sous la perruque, il est visible. Il est visible par le regard de KF dans les yeux absents du visage absent sous la perruque. Le regard fait exister. Tu tiens un corps par l’intérieur de son crâne. Que les feuilles soient à un endroit précis. Pour une raison précise. Elles ont une raison d’être là si elles sont là. Une raison qui n’a pas besoin de ce qui va arriver. C’est quoi ces feuilles. Pourquoi elles sont là. Pourquoi elles sont là et pas cinq centimètres à gauche, et pas derrière le guichet. Est-ce que tu regardes les gens qui passent. Toujours ? Jamais ? Pourquoi. Est-ce que tu as la même pensée à chaque fois que tu regardes un Jean qui passe. Est-ce la même pensée pour chaque Jean. Ou chaque Jean provoque-t-il une pensée nouvelle. Moi je dirais c’est la même pensée. Différente seulement par le fait que le Jean, ou la Jeanne, est différent différente, mais la pensée à l’origine est la même. C’est quoi cette pensée. Tu regardes passer là où tu passeras, là où tu ne passeras pas, là où il ou elle vient de passer, c’est passé, tu regardes l’autre côté, de l’autre côté. Tu penses à quoi. Tu poses, tu portes, à bout de bras, la perruque dans l’espace, en différents points de l’espace : points futurs des emplacements futurs de ton crâne. Quand tu regardes le visage absent sous la perruque c’est ton visage à venir pas encore là que tu regardes, aussi.

Tu décroches le téléphone. Un temps. Tu parles. Un temps. Tu prends le temps de dire. Attention. A la tête qui dépasse. Le temps du micro. Etrange : d’aller chercher le micro. Quand tu es debout, sur la table-plateau (que l’on ne voit pas) derrière le guichet : c’est comme si tu étais en suspension. Et là. Là. C’est qui. Prendre un temps, laisser un temps, aussi, avant de raccrocher. C’est le temps pour ce qui vient d’avoir lieu. Un temps nécessaire pour entendre et comprendre et donner à voir et à entendre ce qui vient d’avoir lieu. C’est le temps nécessaire à l’écoute, à la compréhension de ce qui vient d’avoir lieu. La feuille avec ‘’assistante bilingue à votre service’’ : plus la peine, ici. Une feuille blanche. ’’Assistante bilingue à votre service’’, le dire : face à la feuille blanche : pas la peine que ce soit écrit, c’est dans la tête, ça résonne encore d’avoir été dit, ça revient comme un écho : est-ce là aussi un temps de compréhension ? La répétition des mots, non mécaniquement, mais parce que, alors : tu comprendrais ce qu’ils veulent dire, ce qu’ils veulent vraiment dire. Tu entends quelque chose que tu n’as encore jamais entendu. Peut-être. Et quelque chose alors s’enclenche. D’une lutte contre cette compréhension. Hypothèse. La chute, la plongée devant le guichet. Le corps au sol. Un temps. Le temps de voir. Dans le silence. Avant que tout reprenne. Avant que tout commence : la danse devant, enfin. Le corps au sol devant le guichet. Un temps de silence. Puis le son. Le temps d’approche vers Stéphane. La question que tu lui poses. La question est en toi avant que tu ne la lui poses. Est-ce que c’est elle en toi qui te fait marcher vers lui. La question tu te la poses d’abord à toi. Est-ce que tu vas la poser à Stéphane quand tu y as répondu pour toi. Ou bien veux-tu entendre la réponse de Stéphane avant d’y répondre, toi, pour toi. La réponse de l’autre. La réponse de soi. Le rapport entre. Tu vas vers S pour lui poser la question. Et là, c’est qui ? Prends bien le temps de te montrer la perruque. De te mettre le visage face au visage. Tu passes devant le micro. Parfois ta voix est sonorisée. Parfois non. Selon que tu es devant le micro ou pas au moment où tu parles. Tu ne parles pas pour le micro. Un temps de silence au sol est nécessaire avant la danse dans l’espace enfin. Tu marches vers Stéphane. Le franchissement du guichet c’est aussi rejoindre Stéphane. Ce n’est pas le but premier, mais c’est ce qui a lieu, une fois le guichet franchis. Hypothèse. Annuler (le temps de lui poser la question) l’axe KF-SK. L’existence alors d’un seul point. Dans la question. Dans le silence ? Le fait que tu battes le rythme de la tête et que tu chantes : ça brise la fiction, ça réintroduit du réel. Ça dit deux choses différentes selon que ça a lieu, ou pas. A travailler si on le garde, pour ce que ça dit, pour ce que ça crée : dans ce décalage, décrochage, fiction / réel. Se lever de la chaise soudainement. Regarder le non-visage sous la perruque. Se rasseoir. Regarder vers le haut – que regardes-tu là-haut ? -, oui, on sent que tu regardes quelque chose. Regard vers la tour à venir. Vers le point du bout du micro. Vers un autre point : là-haut, quoi : un souvenir, une mouche, une araignée, un moustique, clac, il est mort. Attention : à ce qu’on ne voit pas la tête dépasser de sous le guichet. Il faut vraiment qu’on ne la voit absolument pas. Se fourrer la tête au maximum sous le guichet. Quand on ne voit absolument pas la tête : l’image est saisissante. Si l’on voit un seul cheveux, on pense alors à la tête, et l’image est cassée, n’est pas là. Quand tu pointes la tour (si on garde l’idée de nommer la tour Alexanderplatz), c’est un souvenir que tu pointes, ici, à Rennes. A Berlin c’était une indication en lien avec le réel au dehors du studio. Là, c’est face à toi le surgissement d’un souvenir. Quand tu pointes la tour : un temps d’arrêt ultra-bref : c’est le temps du surgissement du souvenir. Excitation du souvenir, du surgissement du souvenir, des souvenirs, de la langue allemande qui te revient et prend corps, prend ton corps, prend possession de ton corps : changement de tenue dans cette excitation, dans le corps pris d’assaut par la langue d’origine qui revient (via le surgissement d’un souvenir). Le silence au sol avant la danse, enfin, devant. Puis la danse, devant. Ça tient. Ça tient à quoi. Ça tient comment. Tu poses la question à [il voulait pas me suivre] Stéphane. Un temps, silence. Tu poses la question à Stéphane. Un temps. Silence. Qu’est-ce que je vais répondre. Stéphane : répond par le son. Eteindre les écrans, avant. Eteindre les portables, avant. Si tu es assis sous le panneau ‘’billetterie’’ tu es responsable de la ‘’billetterie’’. Tu es responsable de la fonction que nomme le panneau sous lequel tu es assis. JE RÉPONDS DU MOT ÉCRIT AU-DESSUS DE MOI. Je cherche quoi derrière le comptoir. Ça y est. Ils sont là. Je commence. Se comparer à. Se confronter à. La perruque. Le son qui tombe quand KF descend lentement sous la table. Assistante bilingue. Deux perruques. Deux langues. Deux tables. La véritable. La very-table. L’invisible. L’autre pas. La disparition des visages : sous la table, sous les perruques. La disparition / ou / l’absence. La descente du corps derrière le guichet. La disparition du corps derrière le guichet. L’absence de tête, on ne voit que les mains, derrière le guichet. Le corps qui descend, derrière le guichet, le corps qui disparaît, se cache, par mouvements saccadés, ou bien lentement, d’un coup, vite, ou en plusieurs fois, par à-coup, ou bien lentement. C’est par la langue, par le souvenir par lequel revient la langue que le délire monte et que KF change de tenue et que KF se montre sur le guichet et peut enfin la franchir.

[14 avril 2008. Paris. Rappeler D. Paris. Rennes. 10 heures. Triangle. 5 x 3 heures. CCNR. 5 x 3 heures. Agitato. 40 heures. 16 euros brut de l’heure. Forfait de droit d’auteur. 250 euros par session. Fin août. Début septembre. Résidence dans le Morbihan. Peut-être. Création. Prévision. En février à Lorient.]




[29 octobre 2008]