ABC de KF / MP - [Rennes, 15 mai 2008 - 17 mai 2008] - [Nantes, 30 octobre 2008]




La suspension. Le surgissement. Tu surgis de dessous le guichet. Tu apparais de dessous, lentement. Regard droit vers Stéphane. Regard à droite : vers le public. Regard vers ailleurs. Que les changements de regard soient marqués, nets. Que chaque regard soit marqué. Il ne faut pas prendre en photos les caméras. Suspension : en haut de la montagne ; et descente dans le silence, ou dans la fragmentation des phrases. Les mots, un à un, ils tombent, ils sortent. Les regards en face. Les regards à droite. Le regard au loin : le souvenir, une image qui surgit. Si tu regardes là, ou là, c’est qu’il y a quelque chose à voir, c’est parce que tu y regardes quelque chose. Quelque chose qui est là et qui est à voir. Quelque chose que tu regardes parce que c’est là, et que tu le vois. Ou bien alors quelque chose que tu cherches, tu sais que c’est là, invisible, tu sens que c’est là, ton regard y revient, tu veux voir, là, à cet endroit très précis, tu sens que c’est là, tu regardes là pour voir. Pour faire apparaître. Il n’y a rien. C’est en y allant avec ton corps qu’il y aura. Un point que tu regardes, un point auquel tu reviens. Là. Devant le guichet. Là où tu vas plonger. Là où tout commence. Au sol. Devant. Un point précis. Des points précis. Les points où tu vois quelque chose. Les points où tu cherches. Les points où tu appelles quelque chose. Quand surgit la parole, quand surgit le souvenir de Alexanderplatz, il et elle ne surgissent pas de nulle part, il et elle surgissent du point ‘au loin’. La parole est la nomination d’un point déjà existant. C’est la nomination qui surgit. Le souvenir advient par la nomination, par la possibilité de pouvoir enfin nommer. Avant la nomination, ce n’est qu’une image, qui est là, parmi d’autres, sans nom. Attention : parfois on ne voit que la moitié de ta tête. Faire l’image : par le regard, par les points que tu regardes. A. A. B. Ass. A. Regard. Alexanderplatz. B. Berlin. Bi. Bilingue. Un tour sur toi-même, physiquement, tu fais un tour sur toi-même et tu te retrouves, à la fin du tour, face au point ‘au loin’ : A, ah, Alexanderplatz. C’est le point Berlin. Le texte ‘’faire un tour’’, tu le dis quand tu es assise sur le guichet, ça te fait te relever. ‘’Vous pouvez imaginer’’. Non. Pas imaginer. C’est le souvenir qui est là, pas l’imagination. Imbriquer par la parole ‘’faire un tour’’ et ‘’assistante bilingue à votre service’’, oui. Les trois questions qui en sont quatre, oui, d’abord pour toi, on les entend à peine. Puis quand tu marches vers Stéphane pour un face avec lui, pour Françoise Hardy, pas besoin d’être aussi proche de lui, c’est le face à face qui crée la proximité, pas la distance réelle. A la fin, le son, fondu ?

Un rêve de KF, fin avril. Rêve. Traumen. Rêver. R. T. Le rêve. Espace public. Le rêve. Aller dehors et danser avec toi. Le rêve. Aller dehors et tu danses avec moi. Le rêve. Vous êtes combien à vouloir danser avec moi. Je suis la danse du monde. Je veux danser avec le monde. Je veux danser dans le monde. Je veux danser dans l’espace. Je veux rencontrer un extra-terrestre. Je veux rencontrer l’homme d’un autre monde. Je suis dans une fusée. Je suis derrière le guichet. Dans la fusée, ça va très vite. Derrière le guichet, je vais dessous, et le téléphone sonne, je me relève. Un temps. Ça va très vite. Besoin de calmer. Besoin de regarder. Avant de repartir. Avant d’aller. Je veux y aller : calme. Dans la fusée, ça va très vite. J’ai mal aux oreilles tellement va vite. Panique, je panique, je suis loin de chez moi, je vais être loin de chez moi, la panique, la peur, d’être loin de chez moi, et finalement non, je suis calme, c’est calme, c’est comme dans la rue à côté, comme si j’étais dans la rue à côté, je vais de l’autre côté de la terre, à l’autre bout de l’espace, et je me sens comme dans la rue à côté, juste à côté de chez moi, en même temps si loin, et comme si j’étais à côté. Ça ressemblait à la terre. Là-bas, loin dans l’espace. Ça ressemblait à la terre. Sauf les noms. Sauf les panneaux. Sauf les noms sur les panneaux. Sauf les panneaux avec les noms des rues. Ça disait vous êtes à sept millions de kilomètres de Vénus. Vous êtes à trente millions de kilomètres la terre. Vous êtes à 50 années de Mars. Vous êtes née en février. ET MAINTENANT. TOUT EST POSSIBLE. Une autre fois. Un autre rêve. A la mi-mai. C’est dans l’espace, encore. Dans L’UNIVERS. Je rentre chez moi, et je laisse au sol des traces, comme des traces de boue. Comme d’avoir marcher dans la boue, mais là, ce sont des larves. Je rentre chez moi et au sol je laisse les traces de mes pas. Les larves de l’espace. Les larves de l’univers.





16 mai 2008


Il ne faut pas que je mette trop de force. Tout simplement. Les coups de poing sur le guichet, comme anticipant ceux à venir du rythme de Mister Oiseau. Tu sors de derrière le guichet et tu regardes ta main comme tu regardais la perruque quelques instants avant. Tu regardes le point Berlin. Ne recule pas d’un pas avant de dire, avant de parler. Dire, parler : quand l’image est faite, quand le point dans l’espace est trouvé. Quand le corps est ancré. Il y a le point que tu regardes au sol. Et un nouveau point que tu montres du doigt, un nouveau point que tu montres du regard : le nouveau point, c’est le point de la plongée à venir. Dans le feu de l’action, je ne sais plus dans quelle langue je parle. Le feu d’une action. Etre brûlé, consumé par une action. Par une parole. Par une image. L’importance des moments où : ne rien faire. Le temps. Ce temps. IL EST [LE] TEMPS DE DISPARAITRE. [IL EST] LE TEMPS D’APPARAITRE. IL EST TEMPS D’APPARAITRE. Le taxi arrive dans huit minutes. Le point Berlin. Tu le regardes ‘’en arrière’’, derrière toi, quand tu accroches la veste au mur. Ou bien est-ce le public que tu regardes. ‘’Assistante bilingue à votre service’’ quand tu le dis au téléphone : te servir des points de regard. Le point Berlin. Un point. Un pont. Tu regardes ta main comme tu regardes la perruque. Et les deux mains se regardent comme tête et perruque se sont regardés. Que tu regardes un point quand tu es à l’instant d’accrocher la veste. Dans Mister Oiseau, à la fin, tu vois le point au sol, là où tu vas plonger, ensuite tu dis : ‘’un petit tour’’. Tu vois le point quand tu es en haut de la tour et que tu regardes en bas, aussi. Berlin. ‘’Alexanderplatz’’ surgit alors que tu es dans un autre mouvement. Celui de jouer, celui de danser avec les feuilles, avec le jet des feuilles. Mouvements arrondis des bras, ronde des bras devant le corps pour lancer et faire voler les feuilles devant. Au sol, les feuilles, un tapis inconscient pour la plongée à venir.

L’espace public. Aller chercher. L’espace du rêve.

Pas la même chose, à la fin, si tu vas dans le monde, ou si tu te rassois à la chaise derrière le guichet (dans ce dernier cas : ce qui a eu lieu devant le guichet n’était que le rêve de toi assise derrière le guichet), ou si tu regardes depuis un autre point ce qui vient d’avoir lieu (à la poste, la possibilité que ce soit ‘’derrière la vitre’’, au bout des guichets, au Triangle aussi : derrière la vitre, derrière le guichet, ou bien entre le guichet et Stéphane, au centre, regard public, pour finir). Quel point regarder. Ça a eu lieu. Je ne suis plus au même endroit maintenant. Je l’ai fait. Tout est différent. Parce que je l’ai fait. MAINTENANT. TOUT EST POSSIBLE.

C’est dans la répétition de ‘’die Welt’’, ‘’Le Monde’’, que la suspension vient. C’est parce que tu entends un mot en toi qui résonne et prend toute la place en toi que vient la suspension. C’est quand tu es en haut de la tour que tu vois le second point : celui où tout commence. Prends le temps d’être debout avec le téléphone (que l’image soit faite, que le corps soit ancré) avant de dire ‘’Assistante bilingue à votre service’’. Dès que le corps est ancré, la parole peut venir. Le téléphone sonne / les mains cherchent le téléphone / tu surgis avec le téléphone / le corps est ancré / ‘’assistante bilingue à votre service’’. Retrouver la stupeur de dire ça. C’est quand même ‘’assistante bilingue à votre service’’ que tu dis, et non pas ‘’KF-allo-bonjour’’. Est-ce que c’est le premier indice que tu deviens assistante bilingue / que tu es assistante bilingue, ou bien l’es-tu déjà avant ? C’est la première fois que tu le dis, en tout cas. C’est la première fois que tu te l’entends dire. Mais en fait, l’important, c’est : ‘’à votre service’’. Nous le saurons plus tard.

Die Welt. Le Monde. Il y a un mot que tu dis au micro et qui déclenche le changement de tenue. Il y a un mot que tu dis en haut de la montage [quand tu es debout sur le guichet] et qui déclenche la suspension. Il y a des mots, en toi. Il y a des points de regard, à l’extérieur. Il y a des corps dans un équilibre à trouver, il y a une danse à inventer, entre ces mots dedans et ces points dehors. A chaque mot y a-t-il une image. A chaque point y a-t-il une image.

Fern.seh.turm. Faire.un.tour. La suspension. Tu décides d’arrêter. Ce mouvement. Tu enlèves la perruque. Tu la lâches. Tu descends de là-haut. Tu t’assois sur le guichet. Tu regardes le point au sol. Comment es-tu arrivé ici. Demande KF à SK. Un temps. Silence. Avant la réponse. Par le son.





17 mai 2008


La cabine dont j’ai rêvé au début. Un plan fixe. Avec des plantes vertes. Une caméra de surveillance. De la durée. Ou de la qualité. La qualité d’une image. La durée d’un plan. Nous sommes le 17. Si le téléphone sonne, tu réponds. Je réponds, oui, mais A MA FAÇON. Merci. Attention. Un bouton. Au coin gauche de la lèvre inférieure. Un bouton. Au bout de l’aile droite du nez. Un bouton. Derrière le guichet en cas de hold-up. Alarme. Oui, il vaut mieux éteindre mon double. Merci. Phrase incompréhensible. Réponse : immer. Toujours. Je serai toujours là pour toi. C’est con. Non. C’est traître. Est-ce que tu t’ennuies. Phrase incompréhensible. Réponse : immer. La rythmique s’enclenche, quand KF reprend la danse ‘’corps-compas’’, debout. Au début, l’arrivée de KF et de SK : qu’il y ait un temps où vous vous regardez, Katja est assise, Stéphane est prêt derrière les platines. Okay ? Okay. Top musique, c’est parti. Ne pas faire le geste de chercher le téléphone avant qu’il sonne. Micro, on n’entend pas, peu, la voix. Thousand Faces (ou autre) : que la musique arrive plus tôt, maintenant : qu’il y a un long temps de silence avant la plongée.

L’espace public. LE TRAVAIL dans l’espace public. LA REPRESENTATION dans l’espace public. 1 : Une œuvre d’art surgit dans l’espace public sans que son surgissement n’ait été accompagné : dérangement. On n’accompagne pas le surgissement. Une œuvre d’art dans le réel vient décaler le regard sur et dans le réel. 2 : Une œuvre d’art se montre dans l’espace public après un temps où la visibilité de sa venue et de son élaboration a été travaillé. Une répétition dans le hall du Triangle, avec les gens qui passent, qui fréquentent ce lieu : rien à voir, du fait du travail mené par le Triangle (dans le centre culturel, et avec, et dans le quartier), rien à voir avec une représentation à La poste où là vraiment ça va surgir de nulle part, à peu près. Le dérangement d’un surgissement. L’accès à la visibilité d’un travail. Quelle volonté d’accompagnement et de rendre possible l’accès à. Quelle volonté de garder la force de l’œuvre surgissant dérangeant. Jusqu’où ces deux volontés sont-elles conciliables, ou non. Penser un mouvement de travail double. Travail de recherche et de création et dans le même temps travail d’ateliers / mais cela n’a rien de spécifique à la question de l’espace public. Ne pas penser ‘’accompagnement’’, mais ouverture du travail. Ouverture réelle du travail, c’est-à-dire mise en danger du travail même.

Le regard sur la tour : que ce soit le visage ET le regard qui se tourne vers le point Berlin. TU VEUX DANSER AVEC NOUS ? me semble la bonne question. Simple. Et belle suite aux quatre précédentes. Elle introduit le ‘’nous’’. La poser. Ne pas la répéter. Ne pas insister en la répétant à la même personne. Faire la proposition, poser la question, attendre par le regard la réponse de la personne à qui tu viens de poser la question. Poser la question à une autre personne. Quelque chose de léger. D’ouvert. De possible. Quelque chose aussi dont l’existence de dépend pas de la réponse de chacun. Que ce soit oui, ou non, pour chacun, toi, tu y es, si quelqu’un vient : c’est cadeau. De toute façon, toi tu danses, tu as fais le pas, tu y es, tu t’es fait ce premier cadeau-là. Pour le reste. C’est ouvert à ce qui vient. Dont on ignore tout.

Devant le guichet, c’est l’espace du rêve quand tu es derrière le guichet. Ça devient l’espace réel, quand tu y es.




[30 octobre 2008]